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Le Maroc est acculé en interne et par les rapports accablants sur les droits humains (avocate)

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PARIS, 15 nov 2013 (SPS)- Le Maroc est "acculé" par la protestation interne née du mouvement du 20 février 2011, ainsi que par les rapports d’ONG et d’institutions internationales, l’accablant sur le chapitre des atteintes aux droits humains tant dans le Royaume qu’au Sahara occidental, a affirmé l’avocate au Barreau de Paris, France Weyl.

"On dit toujours que quand un animal sauvage est blessé, il se défend
et il agresse encore plus. Mon optimisme naturel me fait penser ça : effectivement, le Maroc sait qu’il est un peu acculé. La protestation est aussi en interne depuis le mouvement du 20 février et il n’y a pas que les Sahraouis qui sont victimes des atteintes aux droits de l’homme", a-t-elle déclaré dans un entretien à l’APS.

Pour étayer son propos, Me Weyl a cité notamment le cas du journaliste
Ali Anouzla, arrêté il y quelques semaines et que les autorités marocaines étaient, selon elle, "obligées de libérer", sous la pression interne et la mobilisation à l’international.

Elle rappellera aussi le projet de résolution américain visant à étendre les prérogatives de la Minurso (Mission des nations unies pour le référendum
au Sahara occidental) au contrôle des droits de l’homme au Sahara occidental qui a été retiré in-extrémis de la table des négociations en avril dernier.

"Je pense que Rabat a de grandes difficultés, à la fois en interne et sur le plan international. On est passé tout près d’une résolution en avril dernier avec les Américains : il y avait des choses qui étaient en train de se faire", a affirmé l’avocate pour qui "cela est un signe de faiblesse du Maroc".

A ses yeux, il y a "trop de rapports convergents des plus hautes institutions ou associations qui mettent en cause, depuis Gdeim Izik (démantèlement du camp sahraoui en 2010) et le 20 février 2011, les atteintes aux droits de l’homme et l’irrespect du droit international et du droit interne".

La militante des droits de l’homme estime que "le régime marocain essaie de faire un +rideau de fumée+ pour échapper à ce vers quoi, inéluctablement, il faudra qu’il aille".


"Je ne crains que ça prenne un peu de temps, mais c’est quand même le
sens de l’Histoire. On ne pourra pas revenir en arrière", a-t-elle ajouté.
Revenant au dernier rapport Tannock, adopté le 22 octobre par le Parlement européen, M.Weyl la qualifié d'"excellent" car, selon elle, il "accule davantage le Maroc".

Ce rapport, sans vouloir le réduire, "est une pierre de plus qui s’ajoute
à une accumulation de rapports (Kennedy, Mendes, Human Rights Watch…)".

Portant sur la situation des droits de l’homme au Sahel et plus particulièrement au Sahara occidental, le rapport affirmait notamment que l’autodétermination du peuple sahraoui était au "centre du débat pour trouver une solution au conflit sahraoui".

Me Weyl a regretté, à cet effet, que l’esprit des résolutions adoptées
par le PE (qui ne décide pas), ne se retrouve pas au niveau de la Commission et des Etats-membres de l’UE, qui parfois prennent des décisions "contraires".

La France ferme l’œil au nom d’intérêts

Me Weyl a fustigé la position officielle de son pays qui, selon elle,
a met en avant "ses intérêts économiques et parfois bassement personnels de certains dirigeants avec le Maroc, et fermé l’œil sur les atteintes du Royaume aux droits humains au Sahara occidental".

Prenant comme récent exemple le groupe dit Gdeim Izik, l’avocate qui
a participé avec 10 autres Français à l’observation du procès des 24 militants sahraouis devant le Tribunal militaire de Rabat, en février dernier, a dénoncé l’attitude de responsables français vis-à-vis du sort réservé aux détenus.

"On continue, quand on s’adresse à nos gouvernants, à recevoir des lettres de M. Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères) ou autres, affirmant que ces militants ont été condamnés pour des crimes. Il n’y a même plus de la distance par rapport à ça", s’est-elle offusquée.

"Ils ont été accusés de crimes, mais condamnés pour des crimes ça veut
dire qu’on admet pour parole d’Evangile, pour réalité, ce qui a été dénoncé de manière quasi unanime par toutes les organisations et les personnes qui ont assisté et travaillé sur la question, et qui s’accordent à dire qu’il n’y avait pas matière à les condamner », a ajouté Me Weyl, regrettant qu’en France "que ce soit du temps de Chirac, de Sarkozy ou de Hollande, on a toujours le même discours : Protéger le Maroc en parlant des grands équilibres dans la région".

Se refusant d’être "fondamentalement optimiste" pour que la solution
au conflit sahraoui vienne de la France, elle dit privilégier le "levier" de
l’opinion publique qu’il faut, à ses yeux, continuer à mobiliser. "Même si
l’ONU et l’UA sont des instruments rappelant des principes et offrant les bases juridiques, je pense que ce ne sont pas les institutions qui règleront, c’est les peuples qui forceront à régler", a-t-elle opiné.

Tout en estimant que "les choses peuvent venir aussi de l’intérieur du Maroc", Me Weyl a reconnu toutefois que le poids des institutions internationales "est extrêmement important", mais ces institutions, selon elle, "on les fait aussi bouger par la mobilisation dans les pays qui en sont membres".

"La mobilisation populaire doit aller crescendo, car nous sommes, en plus d’être un cas de décolonisation, dans une situation d’occupation.

Le Maroc est une puissance occupante qui n’a aucune légitimité sur le Sahara occidental et à qui on ne doit reconnaître aucune légitimité", a-t-elle conclu. (SPS)088/700/090