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El Guerguarat: le plus grand poste-frontière illégal au monde

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El Guergarat (Sahara Occidental), 12 nov 2020 (SPS)  Depuis trois semaines, les regards sont braqués sur El Guerguarat, point de passage situé à l’extrême sud-ouest du Sahara Occidental occupé où des manifestants civils sahraouis viennent de bloquer la brèche de la petite localité ouverte dans le mur de sable, construit par le Maroc avec l’aide des Israéliens dans les années 1980 pour se prémunir des attaques des combattants sahraouis.
La zone d'El Guerguarat était durant les années 1990, un lieu de prédilection des contrebandiers de tout acabit et des trafiquants de drogue et de voitures volées en provenance d’Europe et écoulées en Afrique de l’ouest.
Champion de la politique du "fait accompli", Rabat a transformé la brèche en un poste frontalier d’une importance capitale pour ses exportations vers la Mauritanie et les pays de l’Afrique de l’ouest où il fourgue aux consommateurs des produits de troisième qualité. Le premier choix étant destiné aux pays de l’Union européenne et la Russie et le deuxième pour la consommation interne.
La brèche ouverte dans le mur de sable est une transgression de l’accord militaire n 1, signé le 24 décembre 1997, entre le général Burand Lubenik pour la Minurso et Brahim Ghali pour le Front Polisario, d’une part et entre la mission onusienne et le Maroc le 22 janvier 1998, d’autre part.
L’accord définit la zone située entre El Guerguarat en territoire du Sahara Occidental occupé et la frontière mauritanienne comme une " buffer stripe " (bande tampon). Large de cinq km, elle sépare deux  zone restreintes " restricted zone".
La première de 30 km sous occupation du Maroc et la deuxième de 25 km, sous contrôle du Front Polisario. Au-delà, il y a deux autres zones à restrictions limitées séparées par le mur l’une à l’ouest sous occupation marocaine et l’autre à l’est sous contrôle du Front Polisario . L’accord confine les Marocains à l’intérieur du  mur de sable.
En août 2016, le Maroc a décidé de bitumer les cinq km de la zone tampon d'El Guerguarat jusqu’à la frontière mauritanienne, en plein centre de la zone démilitarisée.
L’objectif était de rendre plus fluide la circulation des camions à la suite des plaintes des chauffeurs. Officiellement, Rabat argua, à l’époque, que ce goudronnage vise à " lutter contre la contrebande, le terrorisme et le trafic de drogue ".
Du point de vue du droit international, les Marocains ajoutent, par cet acte, une autre violation à la brèche de Guerguarat en voulant la relier à la frontière mauritanienne.
L’accord militaire n  1 stipule que l’accès à la zone tampon qui commence d'El Guerguaret est interdit aux troupes et aux engins des forces armées royales et du Front Polisario. Or, lorsqu’il a entrepris les travaux du bitumage en 2016, le Maroc a utilisé les engins du génie militaire.
La violation est flagrante: L’intervention énergique des forces sahraouies ,rapidement déployées dans la région, met un terme à la duperie et rétabli le statu quo ante. En face, le Maroc avait déplacé des unités de la gendarmerie royale qu’il retirera en février 2017, sous la pression des Nations unies.
Mohamed Ibrahim Salek, expert et consultant international mauritanien, connu comme l’un des plus fins connaisseurs du conflit sahraoui, analysant la brèche deGuerguarat à la lumière du droit international, la décrit comme l’un des " plus grands postes-frontières illégaux dans le monde".
Ibrahim Salek déplore que la Mauritanie, qui reconnait la RASD et qui adopte dans le conflit sahraoui une " neutralité positive ", ait commis un défaut de professionnalisme en conférant, de facto et d’une manière officieuse, une certaine légitimité à El Guerguarat comme point de passage.
Un arrêté ministériel en date du 03 février 2010 le définit comme point de passage P55. Le poste est pourvu d’agents officiels militaires et civils mauritaniens.
Aujourd’hui, les Sahraouis sont décidés à fermer la brèche illégale comme le prévoit l’accord de cessez-le-feu. Ils veulent que la Minurso s’attèle à la préparation des conditions de l’organisation d’un référendum d’autodétermination et non de surveiller le cessez-le- feu au seul profit du Maroc et de pérenniser l’occupation et le fait accompli. (SPS)
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